• "Pempoull / Faskrudfjordur"

    "La lumière matinale, la lumière vraie, avait fini par venir; comme au temps de Genèse, elle s'était séparée d'avec les ténèbres qui semblaient s'être tassées sur l'horizon, et restaient là en masses très lourdes; en y voyant si clair, on s'apercevait bien à présent qu'on sortait de la nuit - que cette lueur d'avant avait été vague et étrange comme celle des rêves.
    Dans ce ciel très couvert, très épais, il y avait çà et là des déchirures, comme des percées dans un dôme, par où arrivaient de grands rayons couleur d'argent rose.
    Les nuages inférieurs étaient disposés en une bande d'ombre intense, faisant tout le tour des eaux, emplissant les lointains d'indécision et d'obscurité. Ils donnaient l'illusion d'un espace fermé, d'une limite; ils étaient comme des rideaux tirés sur l'infini, comme des voiles tendus pour cacher de trop gigantesques mystères qui eussent troublé l'imagination des hommes. Ce matin-là, autour du petit assemblage de planches qui portait Yann et Sylvestre, le monde changeant de dehors avait pris un aspect de recueillement immense; il s'était arrangé en sanctuaire et les gerbes de rayons, qui entraient par les traînées de cette voûte de temple, s'allongeaient en reflets sur l'eau immobile comme sur un parvis de marbre. Et puis, peu à peu, on vit s'éclairer très loin une autre chimère: une sorte de découpure rosée très haute, qui était un promontoire de la sombre Islande ."



    Pierre Loti
    "Pêcheur d'Islande"


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